L’image de ses enfants sur internet ou le « sharenting »
Les parents qui pratiquent le « sharenting » (online sharing about parenting) partagent sur les réseaux sociaux des anecdotes et des images de leurs enfants.
De nombreux parents, sous le charme de leurs enfants, publient des images d’eux dès les premiers jours, et nombreuses sont les photos de bébés, d’enfants déguisés pour la fête de l’école et les vidéos de bambins qui dessinent sur les murs, patouillent dans leurs assiettes ou font des caprices.
Cette habitude, très répandue et qui paraît anodine pour beaucoup, soulève en réalité de nombreuses problématiques, notamment parce que l’accès aux images publiées sur des sites tels que Facebook, instagram, snapchat et autres n’est pas toujours limité.
Les photographies des enfants et le récit de leurs vies ne sont pas réservés à la famille ou aux amis, mais peuvent être consultées par toute la communauté connectée, avec de bonnes intentions, ou non…
Cette question, abordée sous l’angle du droit de la famille, pose deux questions :
- L’un des parents peut-il interdire à l’autre parent de publier des images sur les réseaux sociaux ?
- Les enfants peuvent-ils reprocher à leurs parents la publication de photographies qui portent atteinte à leur vie privée et/ou nuisent à leur image ?
Autorité parentale et publications d’images d’un enfant mineur par l’un des parents.
Cette question revient de plus en plus souvent : un parent peut-il interdire à l’autre parent de diffuser publiquement des images de leur enfant sur les réseaux sociaux ?
Un rappel s’impose : les parents titulaires de l’autorité parentale sont les seuls à pouvoir décider et autoriser la publication d’images ou d’informations relatives à leur enfant.
De même, les parents sont seuls en capacité, toujours au titre de l’autorité parentale, d’autoriser l’inscription d’un mineur sur un réseau social.
Il existe peu de jurisprudences sur le sujet, mais les décisions rendues sanctionnent un usage inconsidéré des réseaux sociaux, qui ne serait pas de l’intérêt de l’enfant.
Les juges ont ainsi considéré qu’ils pouvaient interdire la publication de clichés sur les réseaux sociaux par l’un des parents, au motif que cela relève de l’exercice conjoint de l’autorité parentale et donc d’une co-décision parentale.
Cela suppose toutefois que l’un des parents saisisse le Juge de cette problématique et démontre que l’autre parent publie des photos de l’enfant de manière régulière, mais également que les photos sont accessibles à un large public.
On peut également considérer que l’un des parents pourrait s’opposer à l’ouverture d’un compte facebook, snapchat ou autres au nom de l’enfant, jusqu’à la majorité numérique fixée à 15 ans.
Les juges d’appel ont même été amenés à transférer la résidence d’enfants chez l’autre parent au motif que le parent gardien mettait en danger leurs enfants en publiant des photos inappropriées (enfants nus, contexte dérangeant), étant précisé que les situations examinées par les Cours d’Appel étaient particulièrement inquiétantes et s’inscrivaient dans un contexte plus général.
Les droits de l’enfant mineur ou devenu majeur face aux publications sur les réseaux sociaux.
L’utilisation inconsidérée des réseaux sociaux peut s’avérer à terme très pénalisante pour les mineurs.
Ils peuvent subir des moqueries ou du harcèlement suite à des photos publiées par leurs parents de petits moments de leur enfance, devenus difficiles à assumer pendant l’adolescence.
A compter de 15 ans, âge de la « majorité numérique » en France, les enfants peuvent ouvrir seul un compte sur les réseaux sociaux, alors que c’est précisément l’âge où les publications sont les plus hasardeuses.
La diffusion d’images ou vidéos de leurs exploits d’adolescents peut s’avérer redoutable lorsque l’on sait que de nombreuses écoles et entreprises n’hésitent pas à s’intéresser au passé numérique des candidats pour y trouver des informations sur leurs comportements souvent passés et inavoués.
Lorsque l’enfant est mineur, il n’a pas la capacité d’agir en justice pour s’opposer à l’utilisation de son image par ses parents. Si les parents sont séparés, l’un des parents acceptera peut-être de diligenter une action contre le parent s’adonnant au sharenting, sur le fondement de l’autorité parentale, comme évoqué ci-dessus.
Qu’en est-il si les parents ne sont pas séparés, ou si les deux parents pratiquent le sharenting et considèrent donc que cela ne cause aucun préjudice à l’enfant ?
Dans l’état actuel du droit, seule la loi numérique de 2016 semble pouvoir apporter une solution, puisqu’un droit à l’effacement a été créé : "Sur demande de la personne concernée, le responsable du traitement est tenu d'effacer dans les meilleurs délais les données à caractère personnel qui ont été collectées dans le cadre de l'offre de services de la société de l'information lorsque la personne concernée était mineure au moment de la collecte". (article 63 de la loi numérique du 7 octobre 2016).
Ce droit à l’oubli pourrait être demandé par le mineur, et lui offrir ainsi un répit numérique.
Dans des cas extrêmes, on pourrait imaginer que les parents soient poursuivis pénalement sur le fondement d’un manquement à leurs obligations parentales, puisque le fait pour des parents de « compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant » est un délit.
L’utilisation des réseaux par un enfant de plus de 15 ans, qui agirait de son propre chef, serait couvert pas la majorité numérique. Mais qu’en serait-il d’un parent qui autoriserait un enfant de 12 ou 13 ans à disposer d’un compte sur lequel l’enfant se mettrait en danger en parlant avec des adultes malveillants, en publiant des photos de lui dénudées etc ?
De même, un parent qui publierait des photographies de son jeune enfant nu, à la plage ou dans le bain, pourrait-il être poursuivi ?
Le droit semble bien en retard pour régler ces questions qui sont pourtant essentielles pour la protection de nos enfants…
Maître Audrey KAUFFMANN, qui exerce essentiellement en droit de la famille, pourra vous apporter son soutien et son expertise pour vous conseiller et vous assister dans vos démarches devant le Juge aux Affaires Familiales.